vendredi 17 mai 2013

Où sont les reliures à mosaïque de Trautz ?

Le relieur Georges-Jacob Trautz (Pforzheim, Allemagne, 12 janvier 1808 – Paris VIe, 6 novembre 1879), « le grand prêtre du pastiche », fut l’élève, le gendre et le successeur de Laurent-Antoine Bauzonnet (Dole, Jura, 14 septembre 1795 – Paris VIe, 28 décembre 1882), « le grand maître des filets ».
Successeur lui-même de Jean-Georges Purgold (Darmstadt, 1784-Paris, 1829), dont il épousa la veuve, Anne-Thérèse Langlois (Paris, 1788-1861), le 11 septembre 1830 à Paris, Bauzonnet accueillit Trautz en 1833 comme doreur dans son atelier de la rue Honoré Chevalier (VIe).



Trautz avait appris la dorure dans l’atelier Kleinhans, rue Mazarine (VIe), dans lequel il était entré en arrivant à Paris en 1830. L’atelier de Bauzonnet fut déménagé rue du Four-Saint-Germain (rue du Four, VIe). Le 1er octobre 1840, Trautz épousa Alexandrine-Élisabeth-Estelle Purgold (Paris, 1818-1885), belle-fille de Bauzonnet, dont il devint dès lors l’associé : les reliures furent signées « Bauzonnet-Trautz ». Dès 1847, afin de rendre un hommage public au talent de son gendre, Bauzonnet voulut que les reliures fussent signées « Trautz-Bauzonnet ». En 1851, Bauzonnet quitta son atelier pour prendre sa retraite, et Trautz lui succéda.

Dans le Catalogue des livres rares et précieux composant la bibliothèque de M. le comte Octave de Behague (Paris, Ch. Porquet, 1880, première partie, p. XXII-XXIII), le libraire Charles Porquet publia la « Liste des reliures à mosaïque exécutées par M. Trautz-Bauzonnet (années 1838 à 1878) », communiquée par Ernest Quentin-Bauchart, qui l’avait reçue de Georges Trautz lui-même :

« 1° En 1838, pour la Bibliothèque royale. – La Nef des Folz, petit in-folio, reliure à la Grolier (xvie siècle).
2° En 1839, pour M. Armand Bertin. – Les Saints. Manuscrit, in-8°, genre Grolier, doublé de vélin, dentelles en couleurs.
3° En 1845, pour M. le baron J. Pichon. – Œuvres de Roger de Collerye (1536), compart. à losanges, imité de Padeloup, petit in-8° (xviiie siècle). Actuellement chez M. le baron J. de Rothschild.
4° En 1853, pour Monseigneur le duc d’Aumale. – Virgilius, Alde, (1505), sur vélin, in-8°, genre Grolier.
5° En 1853, pour M. de Clinchamp. – L’Eschole de Salerne, en vers burlesques (Leyde, les Elsevier, 1651), in-12 compart. à losanges, imité de Padeloup ; fait partie de la collection du comte de Béhague.
6° En 1855, pour M. Cigongne. – Œuvres de Coquillart (1532), pet. in-8°, genre Grolier, appartient aujourd’hui à Mgr le duc d’Aumale.
7° En 1855, pour M. le comte de Lurde. – Airs nouveaux de Cour, pet. in-8°, manuscrit signé Jarry, dorure Le Gascon, avec riches compart. (xviie siècle). Fait aujourd’hui partie de la bibliothèque du baron de Ruble.



8° En 1857, pour M. le comte de Lignerolle. – Simulacres de la mort (1538), in-8°, reliure à losanges noirs, avec tête de mort et autres attributs.
9° En 1858, pour M. le baron Salomon de Rothschild. – Un manuscrit allemand, sur vélin, in-folio, genre Grolier.
10° En 1869, pour E. Quentin-Bauchart. – Prières chrétiennes, manuscrit de la fin du xviie siècle sur vélin, in-12, compart. à losanges, imité de Padeloup.
11° En 1870, pour M. E. Paillet. – Office de la Vierge, manuscrit signé Jarry, dorure Le Gascon, avec tranche gravée et à fleurs.
12° En 1872, pour M. le baron de La Roche-Lacarelle. – Œuvres de Villon, (1532), pet. in-8°, compart. à losanges, imité de Padeloup.


13° En 1873, pour M. E. Quentin-Bauchart. – Œuvres de Louise Labé (1555), in-8°, riches compart. à mosaïque de maroquin vert, bleu, citron et rouge, avec dorures à petits fers couvrant entièrement le dos et les plats du volume. Appartient aujourd’hui au baron James de Rothschild.
14° En 1874, pour M. Caen, libraire. – Œuvres de Vauquelin de La Fresnaie (1612), in-8°, compart. à losanges, imité de Padeloup.
15° En 1874, pour M. le comte de Fresne. – Œuvres de Coquillart (1532), pet. in-8°, même reliure que le précédent.
16° En 1875, pour M. le baron James de Rothschild. – L’Adolescence Clémentine (1532) in-8°, compart. à la Grolier, citron et bleu.
17° En 1875, pour M. E. Quentin-Bauchart. – Œuvres de Villon (1537), pet. in-8°, compart. à la Grolier, citron et bleu comme le précédent.



18° En 1876, pour M. E. Paillet. – Les Caquets de l’Accouchée (1623), in-8°, fantaisie à losanges, imitée de Padeloup.
19° En 1877, pour M. le baron J. de Rothschild. – Les Blasons du corps féminin, in-16, compart. et entrelacs, genre Padeloup.
20° En 1877, pour M. le baron J. de Rothschild. – Manon Lescaut (1753), 2 vol. in-12, à losanges, imité de Padeloup.
21° En 1877, pour M. Colin. – Œuvres de Regnier, Leyde, les Elsevier, 1652, pet. in-12, genre Le Gascon.
22° En 1878, pour M. le baron J. de Rothschild. – Les Rymes de Pernette du Guillet (1545), pet. in-8°, sur le modèle de la Louise Labé, avec de légères modifications. » [sic]

Quentin-Bauchart publia une seconde fois cette même liste dans Mes livres (Paris, Librairie de la Bibliothèque nationale, 1881, p. XI-XIII).
Édouard Rahir, dans son article intitulé « Des reliures de Trautz-Bauzonnet à propos d’une vente récente », paru dans la Revue des livres anciens (Paris, Fontemoing et Cie, 1914, t. I, p. 145-152), mit cette liste à jour, et y ajouta une 23e reliure :

« N° 1. Nef des Folz. Bibliothèque nationale.
N° 2. Les Saints. De chez M. Armand Bertin a passé dans la famille Bapst.
N° 3. Les Œuvres de Roger de Collerye, 1536. Bibliothèque du baron James de Rothschild.
N° 4. Virgile. Alde, 1505. Bibliothèque de Chantilly.
N° 5. École de Salerne, Elzevier 1651. Vendu 16 100 francs chez le comte Octave de Béhague en 1880, puis 10 060 francs, chez le comte de Mosbourg et acheté 17 500 francs à la vente Robert Hoe, par M. Cortlandt F. Bishop.
N° 6. Œuvres de Coquillart, 1532. Biblioth. de Chantilly.
N° 7. Airs nouveaux de la Cour. Ms. de Jarry, s. d. Vendu 17 050 francs chez le baron de Ruble, acquis pour 28 750 francs à la vente Robert Hoe, par M. Cortlandt F. Bishop.
N° 8. Les Simulachres de la Mort, 1538. Acheté 8 500 francs chez le comte de Lignerolles par Lord Carnarvon. Aujourd’hui chez M. Mortimer L. Schiff.
N° 9. Manuscrit allemand. Chez la baronne Salomon de Rothschild.
N° 10. Prières chrétiennes. Manuscrit. Chez M. Pierre Quentin-Bauchart.
N° 11. Office de la Vierge. Ms. de Jarry. Acheté à la dispersion de la bibliothèque Paillet, 8 000 francs par M. Blacque, a été revendu 16 750 en avril 1909 à la vente H. W. Poor. Aujourd’hui en Amérique.
N° 12. Œuvres de Villon, 1532. Acheté 14 020 francs chez le baron de La Roche Lacarelle, revendu 19 000 francs à la vente Robert Hoe. Chez Geo D. Smith à New-York.
N° 13. Œuvres de Louise Labé, 1555. Bibliothèque du baron James de Rothschild.
N° 14. Œuvres de Vauquelin de La Fresnaie, 1612. Adjugé 2 852 francs en 1883 à la vente de M. Truel Saint-Evron ; acheté par M. Geo B. de Forest. Aujourd’hui dans la collection J.Pierpont Morgan.
N° 15. Œuvres de Coquillart, 1532. Acheté 9 000 francs chez le comte de Fresne. Vendu 10 000 francs à la vente Robert Hoe. Aujourd’hui en Amérique.
N° 16. L’Adolescence Clémentine, 1532. Bibliothèque du baron James de Rothschild.
N° 17. Œuvres de Villon, 1537. Adjugé 7 500 francs chez E. Quentin-Bauchart ; acheté par M. Geo. B. de Forest. Chez M. J. Pierpont Morgan.
N° 18. Les Caquets de l’Accouchée, 1623. Acheté à la dispersion de la bibliothèque Paillet, 8 000 francs par M. Müller ; vendu 8 500 francs chez M. Müller et acheté 18 500 fr. à la vente Robert Hoe par la librairie Morgand.
N° 19. Les Blasons du corps féminin, s. d. Bibliothèque du baron James de Rothschild.
N° 20. Manon Lescaut, 1753. Bibliothèque du baron James de Rothschild.
N° 21. Œuvres de Régnier, Elzevier, 1652. Adjugé 5 500 francs à la vente E. Colin en 1881 ; revendu 4 820 francs dans une vente anonyme en février 1891, acheté par M. Geo. B. de Forest. Aujourd’hui dans la collection Pierpont Morgan.
N° 22. Les Rymes de Pernette du Guillet, 1545. Bibliothèque du baron James de Rothschild.
N° 23. Heures de Rome. Paris, Simon Vostre, s. d. (calendrier de 1512 à 1530). Reliure exécutée en 1871 pour le comte Clément de Ris. Aujourd’hui chez M. L. de Montgermont.

Ce dernier ouvrage n’avait pas été mentionné sur la liste remise à M. Potier [i.e. Porquet] au moment de la vente Octave de Béhague ; cette liste n’indiquait pas non plus quelques volumes exécutés pour un bibliomane anglais M. Hankey, sur des livres d’un genre tout à fait spécial, volumes aujourd’hui cachés dans l’Enfer d’une grande bibliothèque américaine. » [sic]   

Pour l’érotomane Frédérick Hankey (Corfou, 14 juillet 1821-Paris, 8 juin 1882), ancien officier des Gardes de S.M. la Reine d’Angleterre, qui vivait célibataire à Paris, rue Laffitte (IXe), Trautz avait accepté de se livrer à des mosaïquages spéciaux qui ne figurent pas dans le décompte de ses œuvres. Il signa en particulier une reliure dite « aux fleurs du mal » sur Le Meursius françois,ou Entretiens galans d’Aloysia (Cythère [Paris], s. n. [Valade], 1782, 2 t. en 1 vol. in-18, front. et 12 fig. h.-t. n. sign. [Elluin, d’après Borel]) : maroquin janséniste orange, dos à nerfs, titre doré, doublure de maroquin bleu ciel à bordure en dents de rat, décorée d’une composition érotique dorée de petits fers, têtes de faune et guirlandes florales arabesques, ornée de quatre phallus aux angles intérieurs et d’une vulve solaire au centre, mosaïqués de maroquin beige et rouge, gardes de moire bleu ciel, double filet sur les coupes, tranches dorées ; étui de maroquin noir, dos à nerfs, titre et chiffre FH dorés (Paris, Christie’s, 27 avril 2006, bibliothèque G. Nordmann : 38.400 €)     

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