vendredi 25 mars 2016

Le Catalogue des livres de la bibliothèque de M.*** (1744) est celui de la vente Michel-Étienne Turgot


La famille Turgot, transplantée de Bretagne, est une des plus anciennes de la Normandie et porte pour armes « D'hermines, fretté de gueules de 10 pièces ».


En 1445, le fief des Tourailles [Athis-Val-de-Rouvre, Orne] entra dans la famille, par le mariage de Philippine Bertrand avec Jean Turgot, seigneur de La Bionnière [Tinchebray-Bocage, Orne], arrière-grand-père de Louis Turgot ( 1589). Louis Turgot eut deux fils qui formèrent deux branches distinctes : l'aîné, Jean Turgot ( 1608), continua celle des Tourailles ; le second, Antoine Turgot ( 1616), fonda celle de Saint-Clair [Ménil-Gondouin, Orne].
Le fils de ce dernier, Jacques Turgot ( 23 mai 1659), seigneur de Saint-Clair et de Soumont [Soumont-Saint-Quentin, Calvados], fut le premier qui s'établit à Paris, en 1619, maître des requêtes aux Conseils du Roi ; il fut inhumé en l'église des Incurables [chapelle de l'hôpital Laënnec, 42 rue de Sèvres, VIIe]. Ses deux fils formèrent deux branches : Antoine Turgot ( 15 février 1713), qui fut inhumé en l'église des Incurables, celle des Turgot de Saint-Clair ; Dominique Turgot ( 12 septembre 1670), qui fut inhumé au couvent des Petits-Augustins [École nationale supérieure des Beaux-Arts, 14 rue Bonaparte, VIe], celle des Turgot de Soumont.

Sous l'Ancien Régime, on ne connaît que trois catalogues de ventes de bibliothèques ayant appartenu à des membres de la famille Turgot. Chronologiquement :

1. Bibliotheca Turgotiana : seu Catalogus librorum bibliothecæ ill. et rev. D. D. Dominici-Barnabæ Turgot de Saint-Clair, epicopi [sic] Sagiensis (Paris, Gabriel Martin, 1730, in-12, [1]-[1 bl.]-[2]-296 p., 3.904 lots).

2. Catalogue des livres de la bibliothèque de M.*** (Paris, Piget, 1744, in-8, [1]-[1 bl.]-xi-[1]-514 p., 5.552 lots).

3. Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. Turgot, ministre d'État (Paris, Barrois l'aîné, 1782, in-8, [1]-[1 bl.]-[2]-148 p., 3.058 lots).

Le premier est celui de Dominique-Barnabé Turgot (1667-1727), évêque de Séez [Orne] ; le deuxième est anonyme ; le troisième est celui d'Anne-Robert-Jacques Turgot (1727-1781), contrôleur général des Finances du roi Louis XVI.



Dès 1746, le libraire Gabriel Martin révéla que le catalogue anonyme était celui de « M. Turgot » (Catalogue des livres de feu M. l'abbé d'Orléans de Rothelin. Paris, Gabriel Martin, 1746, p. 554, n° 4.885). En 1754, le même libraire précisa « Turgot de S. Clair » (Catalogue des livres provenans de la bibliothéque de feu M. De Boze. Paris, G. Martin, 1754, p. 157, n° 1.203) : cette précision fut reprise l'année suivante par son confrère Marie-Jacques Barrois (Catalogue des livres de la bibliothèque de M. Secousse. Paris, Barrois, 1755, p. 422, n° 7.442). Il ne pouvait s'agir que de Marc-Antoine Turgot (1668-1748), seigneur de Saint-Clair, ancien maître des Requêtes sous le roi Louis XV.

En 1767, le libraire Guillaume-François De Bure, dit « le jeune », fut le premier à identifier « M. Turgot » avec le prévôt des Marchands de Paris (Catalogue des livres provenans de la bibliotheque de M. L. D. D. L. V. [M. Le Duc De La Vallière]. Paris,1767, t. II, p. 260, n° 5.350) ; ce qu'il confirma deux ans plus tard, à propos d'un exemplaire « avec les prix à l'amiable, mis en marge », prouvant que la bibliothèque n'avait pas été vendue « en bloc », mais aux enchères (Supplément à la Bibliographie instructive, ou Catalogue des livres du cabinet de feu M. Louis Jean Gaignat. Paris, 1769, t. II, p. 227, n° 3.462). L'abbé R. Duclos confirma l'information donnée par De Bure (Dictionnaire bibliographique, historique et critique des livres rares. Paris, Cailleau et fils, 1790, t. I, p. xxiij). Il ne pouvait s'agir que de Michel-Étienne Turgot (1690-1751), marquis de Soumont, ancien prévôt des Marchands de Paris sous le roi Louis XV.

Dans son Dictionnaire des ouvrages anonymes et pseudonymes (Paris, Barrois l'aîné, 1822, 2e éd., t. I, p. 154, n° 2.045), le bibliographe Antoine-Alexandre Barbier reprit l'indication de Gabriel Martin, sans citer sa source, et affirma que ce catalogue « renferme environ dix mille volumes. L'ordre y est peu exact, et les titres y sont la plupart tronqués et mal énoncés. Il pullule d'ailleurs de fautes d'impression. On n'y dit point qui est le curieux qui a ramassé avec tant de soin, durant trente ans, cette si précieuse bibliothéque [sic]. C'est M. Turgot de Saint-Clair, ancien maître des requêtes, qui l'a vendue, de son vivant même, 28,000 francs. »

Une note du Bulletin du bibliophile (Paris, J. Techener, 1853, septembre et octobre, p. 470) a rendu la propriété de ce catalogue anonyme au prévôt des Marchands de Paris :

« TURGOT, le père du ministre de Louis XVI, fut un bibliophile qui avoit réuni une collection fort curieuse et fort nombreuse, puisque le catalogue, mis au jour en 1744, présente 5,552 articles. Les livres relatifs aux troubles de la Ligue, les facéties y sont en grand nombre ; nous avons remarqué un volume qui se rattache aux imitations ou continuations de Rabelais, et dont les bibliographes n'ont pas fait mention, ce nous semble : Nouvelles récréatives plaisantes, curieuses et admirables, d'un renommé vieil homme nommé Panurge, et du voyage que fist son âme en l'autre monde, pendant le rajeunissement de son corps, Toulouse, 1616. Turgot avoit des livres italiens nombreux et bien choisis ; il étoit riche en auteurs hétérodoxes qui se payoient alors fort cher, et qui sont aujourd'hui à bas prix. On a, en fait de hardiesses irréligieuses, bien mieux ou bien pis qu'Ochin, Parisot, Postel, etc. » [sic]

Cette correction n'a pas attiré l'attention des bibliographes Ferdinand Denis, Pierre Pinçon et Guillaume-François de Martonne, qui ont recopié le commentaire de Barbier (Nouveau Manuel de bibliographie. Paris, Roret, 1857, t. III, p. 640).

L'information fournie par Martin, et reprise par Barbier, a réussi à convaincre jusqu'aux historiens du XXe siècle finissant, sur la foi d'une note manuscrite, à l'encre, figurant sur la page de titre d'un exemplaire de ce catalogue anonyme [Institut de France, 8° AA 2001], qui a appartenu à Antoine Moriau (1699-1759), procureur du Roi et de la Ville de Paris sous le roi Louis XV (http://elec.enc.sorbonne.fr/cataloguevente/notice406.php).



Mais l'exemplaire de Pierre Adamoli (1707-1769), maître des ports, ponts et passages de la Ville de Lyon, qui porte son second ex-libris daté de 1733, présente, sur la page de titre, une mention manuscrite contemporaine, à l'encre : « Turgot prevot des marchds de paris » [B. m. Lyon, 809598].

Plan de Paris (1739)
La vente de la bibliothèque de « M*** » [Turgot] débuta le 12 janvier 1744, dans une des salles du Couvent des Grands-Augustins [quai des Grands-Augustins, VIe, détruit en 1797], louée pour l'occasion par Pierre Piget ( 25 novembre 1747), libraire depuis le 24 avril 1723, quai des Augustins, à Saint-Jacques. Le catalogue comprend : théologie [746 lots = 13,43 %], jurisprudence [228 lots = 4,10 %], sciences et arts [646 lots = 11,63 %], belles-lettres [1.748 lots = 31,48 %], histoire [2.016 lots = 36,31 %], recueils de pièces [129 lots = 2,32 %], collection ad usum Delphini [39 lots = 0,70 %].

« La Bibliotheque dont je donne le Catalogue, est une des plus belles & des plus singulieres qui se soit vendue depuis longtems, c'est le fruit de 30. années de loisir employés par un Amateur, homme de goût, qui n'a négligé ni soins ni dépense dans la Collection qu'il a faite d'environ 10000. Volumes rares & choisis.
Cette Bibliotheque est composée de Livres sur toutes matieres ; & il n'y a point de classes ou facultés dans laquelle l'on ne trouve, non seulement ce qu'il y a d'utile & de nécessaire, mais encore la plus grande partie de ce que l'on connoît comme rare & singulier.
L'on trouve dans la Théologie Missa Latina FLACCI ILLIRICI. WICLEFI dialogi. SERVETUS de Trinitate. Toutes les Œuvres de BERNARD OCHIN, de GUILLAUME POSTEL, de SIMON MORIN, de JULES-CESAR VANINI, de JEAN BODIN, de TOLAND, & autres.
Dans les Sciences & Arts, GOMETII PEREIRÆ Antoniana Margarita & ejusdem Medecina nova, Arte de los Metales por ALLONZO BARBA, Antiquas Minas de Espana por ALLONZO CARRILLO LASSO. BACCIUS de Vinis. Hortus Eystetensis. GODEFRIDI BIDLOO Anatomia. Le Machine di RAMELLI, &c.
Les Belles-Lettres Latines & Françoises y sont très-riches ; l'on y trouve aussi tout ce que le siécle d'or de la Langue Italienne a produit. Il seroit trop long de donner le détail des Livres rares qui se trouvent en cette partie.
L'Histoire est très-nombreuse, & n'offre pas moins de curiosités que les Belles-Lettres. En Histoire Ecclésiastique l'on trouve, li Fioretti di sancto Francisco Assimilativa à la Vita del J. C. 1496. in 4°. BARTH. PISIS Liber conformitatum 1513. &c. En Histoire d'Italie, les premieres & belles Editions de l'Histoire d'Italie de FRANÇOIS GUICCIARDIN, de l'Histoire de Milan, de BERN. CORIO, l'Histoire de Naple de GIANONE, &c. En Histoire de France, la premiere Edition de MEZERAY en 3. vol. in fol. grand papier. Toutes les Pieces Historiques & Satyriques qui ont paru pendant les troubles arrivés en ce Royaume sous les Régnes de CHARLES IX. HENRI III. & HENRI IV. Une très-belle suite des Histoires de nos Provinces, &c. En Histoire Etrangeres, HENNINGES Theatrum Genealogicum & autres. En Medailles, Dialogos dellas Medallas antiquas por ANTONIO AGOSTINO.
Enfin, une suite complette des Auteurs In usum serenissimi Delphini, & une Collection des Auteurs imprimés par les ELSEVIERS, reliés en Maroquin. » [sic] (« Avertissement », p. i-ii)

Le prévôt des Marchands de Paris, Michel-Étienne Turgot, était à la vente du comte d'Hoym, qui eut lieu dans une salle de l'hôtel de Longueville [rue Saint-Thomas-du-Louvre, Ier, détruit en 1832], du 12 mai au 2 août 1738 : 




le fameux livre de Bernardino Ochino intitulé Apologi nelli quali siscuoprano li abusi (S. l. [Genève], s. n. [Jean Girard], 1554, in-8), maroquin bleu, n° 602, page 66 du catalogue, lui fut adjugé 120 livres (Bulletin du bibliophile. Paris, Techener, septembre 1838, p. 314).



On retrouve ce même exemplaire dans le Catalogue des livres de la bibliothèque de M.***, sous le n° 632, page 56 [vendu 50 liv.] : ce catalogue est donc bien celui de la vente de la bibliothèque du prévôt des Marchands.

Michel-Etienne Turgot, par Van Loo (1739)
Michel-Étienne Turgot, marquis de Soumont, seigneur de Saint-Germain-sur-Eaulne [Seine-Maritime], naquit à Paris, le 9 juin 1690, de Jacques-Étienne Turgot (1670-1722), intendant de Metz et de Tours, inhumé en l'église Saint-Nicolas-des-Champs [IIIe], et de Marie-Claude Le Pelletier. Reçu avocat, il devint conseiller au Parlement de Paris le 31 juillet 1711, président en la seconde Chambre des Requêtes du Palais le 25 janvier 1717. Il fut élu prévôt des Marchands de Paris le 14 juillet 1729.
Il s'occupa alors sans relâche de l'assainissement et de l'embellissement de la capitale. Le grand égout général de Paris, qui n'était formé que par une tranchée, fut commencé en pierre en 1737, dans un nouveau terrain, depuis la rue du Calvaire [rue des Filles-du-Calvaire, IIIe], au Marais, jusqu'à la rivière près Chaillot [XVIe], ainsi que ses embranchements, les pompes et le réservoir pour laver cet égout, qui a été achevé en 1740 :

« L'ancien égout général de Paris commençoit au bout de la rue du Calvaire au Marais, & se continuoit en traversant les fauxbourgs du Temple, de Saint-Martin, de Saint-Denis, de la Nouvelle-France, de Montmartre, des Porcherons, de la Ville-l'Evêque, du Roule, les Champs-Elisées, & le bas de Chaillot, jusqu'à la rivière. Cet égout n'étoit formé que par une tranchée fouillée dans des marais, sans aucune maçonnerie ni pavé, ce qui avoit beaucoup contribué à son encombrement, à lui faire perdre sa pente, & faire regonfler les eaux dans Paris ; de maniere qu'en 1715, la Ville fut obligée de détourner les eaux des égouts de la vieille rue du Temple, qui rentroient plutôt qu'elles ne sortoient. On pratiqua une ouverture dans le fossé, qui va depuis la rue du Calvaire, jusqu'à la rivière, près le bastion de l'Arsenal. Ce remede occasionnoit un grand mal, qui arrivoit par les grandes averses, lesquelles, en fournissant des eaux en abondance, entrainoient avec elles dans la rivière, des immondices capables de fournir une eau malsaine dans les pompes du pont Notre-Dame. Ce fut pour remédier à tous ces inconvéniens, qu'en 1737, la Ville prit la résolution non-seulement de reconstruire ce grand égout général dans toute sa longueur, mais encore de faire construire un réservoir, dans lequel on garderoit de l'eau pour rincer cet égout. » [sic]
(Hurtaut et Magny. Dictionnaire historique de la ville de Paris et de ses environs. Paris, Moutard, 1779, t. II, p. 725-726)

Il y avait longtemps que le quai des Morfondus [quai de l'Horloge, Ier], entre le Pont-Neuf et le Pont-au-Change, ainsi nommé à cause de son exposition au vent du Nord qui morfondait les passants, était trop étroit, ce qui causait tous les jours des embarras incommodes et dangereux :

« M. Turgot, Conseiller d'Etat & Prévôt des Marchands de la Ville de Paris, voulant remédier en 1738, à une partie de ces incommodités, fit élargir le quai des Morfondus, au moyen de deux angles saillans, qu'on a formés, l'un au bout du Pont-au-Change, vis-à-vis la tour de l'horloge du Palais, & l'autre au Pont-Neuf, presque vis-à-vis la statue équestre d'Henri-le-Grand. Pour cet effet, la Ville a acheté quatre maisons qui étoient les quatre dernières du Pont-au-Change, dont trois appartenoient à des Particuliers, & la quatrième au Grand-Prieuré de France, & les ayant fait abattre, a formé en cet endroit une petite place, où commence un trottoir en saillie, qui règne le long du parapet du quai des Morfondus, & se termine au Pont-Neuf. » [sic]
(Hurtaut et Magny. Dictionnaire historique de la ville de Paris et de ses environs. Paris, Moutard, 1779, t. IV, p. 91)

La fontaine de Grenelle. Dessin de Gabriel Davioud
Le Magasin pittoresque (Paris, 1852, p. 252)
De 1739 à 1745, sur les dessins et sous la conduite du sculpteur Edme Bouchardon (1698-1762), il fit construire, en pierre d'Herblay [Val-d'Oise], dite « pierre de Conflans », la fontaine de Grenelle [57-59 rue de Grenelle, VIIe], dite « des Quatre-Saisons », destinée à procurer de l'eau pour le quartier mais aussi à être un monument commémoratif en l'honneur de Louis XV. Le groupe du milieu, représentant la Ville de Paris, la Seine et la Marne, est en marbre blanc ; les quatre génies des saisons, dans les niches latérales, sont en pierre de Tonnerre [Yonne]. L'eau dont elle s'alimentait provenait du village de Rungis [Val-de-Marne], et y était amenée par l'aqueduc d'Arcueil. La fontaine de Grenelle est ce qu'on appelle un château d'eau, comme la plupart des autres fontaines de Paris élevées sous Louis XIV, c'est-à-dire une construction destinée à contenir un réservoir et dont l'élévation est subordonnée au niveau supérieur de l'eau qui y est amenée. Les véritables fontaines, c'est-à-dire celles dont l'eau jaillissante forme le principal ornement ne furent introduites, en France, dans l'intérieur des villes, qu'à dater de l'Empire, et par imitation de celles d'Italie ; auparavant, on n'en élevait que dans les parcs et les jardins.


Pour promouvoir les beautés de la capitale, Turgot avait entrepris en 1734 de faire dresser un Plan de Paris, en vue cavalière ou à vol d'oiseau, improprement appelé « Plan de Turgot ». Il fut dessiné au 1/400 [1 cm. = 4 m.], pendant deux ans, par Louis Bretez, membre de l'Académie de Saint-Luc et auteur d'un traité consacré à La Perspective practique de l'architecture (Paris, Auteur et Pierre Miquelin, 1706, in-fol.). Au final, 20 planches furent gravées, par Antoine Coquart pour les 6 premières, puis par Claude Lucas (1685-1765) ; une 21e planche, en tête et qui est un plan général au simple trait, porte un avertissement :

« Le Plan en Perspéctive de la Ville de Paris, gravé en Vingt Planches, se trouvant, lorsqu'elles sont rassemblées, d'une trop grande étendue pour être aisement conservé dans les Biblioteques, et ces Vingt Planches pouvant être reliées en Volume ; On a cru devoir, pour en faciliter l'Usage faire graver cette Vingt et unieme Planche dans laquelle ce Plan est reduit en petit suivant le même trait de la Perspéctive qu'on a observée dans le grand.
Ce Plan reduit, est divisé par des lignes, qui forment Vingt carrés égaux, dont chaqu'un renferme l'éspace juste et les différentes parties de la Planche laquelle il a raport.
Le Chiffre qui se trouve dans un des Coins de chaque Carré du Plan reduit, indique la Planche qu'il represte, Où l'on trouvera le même Chiffre. » [sic]

L'achevé de graver date de 1739. Pierre Thévenard, imprimeur en taille-douce, rue Saint-Jacques, livra 2.600 exemplaires. Chaque planche mesure 50 x 79 cm. [plusieurs n'ont que 48 cm. de hauteur], y compris la bordure large de 32 mm. Réunies, les 20 planches forment 5 rangs et constituent un rectangle d'environ 2,50 x 3,16 m. Louis Bretez dérogea à l'usage généralement admis d'orienter les cartes vers le Nord, parce que, voulant donner de Paris une image en élévation, il dut, à l'exemple des anciens géographes, préférer un système qui permit de voir de face les portails de nos anciennes églises qui, pour la plupart, avaient leur façade tournée vers l'occident : le Nord-Ouest est au bas du plan. Ce plan est parfois assemblé et collé sur toile. Les 21 cuivres gravés du plan sont conservés à la Chalcographie du Louvre.


Le titre gravé se trouve au bas des planches 18 et 19, moitié sur l'une, moitié sur l'autre, au milieu d'un cartouche de forme très contournée, entouré de volutes et surmonté de la figure allégorique de la Ville de Paris appuyée sur son blason.


Ce plan forme le plus souvent un atlas grand in-folio ; chaque planche, tirée sur un papier très fort, est pliée en deux et collée sur onglet. La plupart des exemplaires furent reliés avec plus ou moins de luxe pour être distribués gratuitement à tous les personnages éminents ; toutes les reliures, en mouton ou en maroquin du Levant, sont ornées au centre des armes de Paris, et, dans les coins, des mêmes armes ou de grosses fleurs de lis ; le filet se compose de lignes de fleurs de lis. Il y a des exemplaires tirés sur grandes marges.

Exemplaire de Jean de Montagliari (1989), avec son ex-libris
Grand in-fol. [555 x 443 mm.], maroquin rouge d'Antoine-Michel Padeloup,
large encadrement floral avec chiffre et fleurs de lys dans les angles et les milieux, armoiries centrales,
dos à neuf nerfs orné du même chiffre fleurdelysé et d'une pièce d'armes,
large roulette intérieure, doublure et gardes de tabis bleu ciel, tranches dorées.
Drouot, 6 mars 2012 : 123.997 €, sur une estimation à 20.000/30.000 €

C'est à Turgot que revint l'idée de créer une bibliothèque publique ; ce projet ne se réalisa que grâce à Antoine Moriau, procureur du Roi et de la Ville, qui, à la veille de sa mort, légua ses collections à la Ville de Paris, à charge pour celle-ci d'en faire une bibliothèque publique, qui ouvrit officiellement ses portes au public le 13 avril 1763.

Ses soins pour la santé et les intérêts des classes pauvres ; le zèle et l'activité qu'il déploya pour les approvisionnements de la capitale pendant les années de disette ; le dévouement intrépide qu'il montra un jour, en se jetant seul au milieu des grenadiers des Gardes-Françaises et des Gardes-Suisses qui, par suite des animosités fréquentes entre les corps militaires n'appartenant pas à la même nation, s'égorgeaient sur le quai de l'École [quai du Louvre, Ier], désarmant un des plus furieux, les contenant, les arrêtant tous et faisant cesser le carnage : tels furent les titres qui engagèrent Louis XV à continuer Turgot dans ses fonctions de Prévôt des marchands jusqu'au 16 août 1740, soit au total pendant onze années, terme qui n'avait été atteint par aucun de ses prédécesseurs.

Turgot obtint l'érection de la seigneurie de Soumont, unie aux terres de Bons [Bons-Tassilly, Calvados], Ussy [Calvados], Potigny [Calvados], Saint-Quentin [Soumont-Saint-Quentin, Calvados], Brucourt [Calvados] et Périers [Périers-sur-le-Dan, Calvados], en marquisat, par lettres de 1735, registrées au Parlement de Rouen en 1736. Il fut fait conseiller d'État le 29 avril 1737 et nommé pour remplir les fonctions de premier président du Grand-Conseil pendant l'année 1741. Honoraire de l'Académie royale des Inscriptions et Belles-Lettres de Paris en 1743, il devint conseiller d'État ordinaire au mois de novembre 1744.

Château de Bons
In Arcisse de Caumont. Statistique monumentale du Calvados 
(Paris, Derache, 1850, t. II, p. 510)

En Normandie, la résidence de Turgot est au château de Bons, construit en 1644.

Hôtel Turgot, rue Portefoin, en 1901 [photo. Eugène Atget]
À Paris, Turgot habita l'hôtel qu'avait acheté son grand-père, 12 rue Portefoin [IIIe, détruit].

Restes du château Bleu (1868)

Il mourut dans son château des Tournelles [détruit en 1817], dit le « château Bleu », en raison de son toit d'ardoise qui se distingue des toits de tuiles ou de chaume, à Tremblay-en-France [Seine-Saint-Denis], le 1er février 1751, âgé de 60 ans 7 mois 22 jours, emporté par une attaque de goutte, maladie de famille. 


Il fut inhumé dans l'église des Incurables.

Il avait épousé, le 25 novembre 1718, Madeleine-Françoise Martineau, fille de Pierre-Guillaume Martineau, seigneur de Bretignolles, et d'Angélique de Montaut. Elle mourut en son château de Tremblay-en-France, le 28 novembre 1764, à l'âge de 67 ans, et fut inhumée dans l'église Saint-Médard. Le couple Turgot avait eu quatre enfants : Michel-Jacques, le 21 août 1719 ; Étienne-François, le 16 juin 1721 ; Anne-Robert-Jacques, le 10 mai 1727 ; Françoise-Hélène-Étiennette, le 20 septembre 1729.
















mardi 15 mars 2016

Charles-Louis Trudaine (1764-1794), victime de la barbarie terroriste de l'An II





Originaire d'une famille de tanneurs d'Amiens [Somme], dont les descendants s'étaient installés à Paris comme orfèvres, Charles Trudaine avait été baptisé le 3 janvier 1660 en l'église Saint-Nicolas-des-Champs [IIIe]. Il fut successivement conseiller au Parlement de Paris en 1684, maître des requêtes, intendant des généralités de Lyon et de Dijon, conseiller d'État. 

Plan d'intendance de Montigny (1777-1789)
Coll. A.D. Seine-et-Marne

La châtellenie-baronnie de Montigny-Lencoup [Seine-et-Marne] lui fut adjugée le 20 septembre 1694. Il épousa, le 4 février 1701, en l'église Saint-Eustache de Paris [Ier], Renée-Madeleine de Rambouillet de La Sablière (1680-1746), baptisée le 8 décembre 1680, fille de Nicolas de Rambouillet, seigneur de La Sablière [Saint-Germain-le-Gaillard, Eure-et-Loir], et de Louise-Madeleine Henry de Cheusse ; petite-fille de la célèbre Marguerite Hessein de La Sablière (1640-1693), qui donna l'hospitalité à La Fontaine, elle mourut à Paris, le 20 novembre 1746. Prévôt des marchands de Paris de 1716 à 1720, Charles Trudaine fut destitué par le Régent parce qu'il avait été « trop honnête homme » : il avait trop fermement défendu les intérêts municipaux contre les combinaisons financières de Law ! Il mourut à Paris, le 21 juillet 1721, âgé de 61 ans : « un abcès lui a crevé dans la tête ».

De son mariage étaient nés cinq enfants, dont Daniel-Charles Trudaine, dit plus tard « Le Grand Trudaine ».

Daniel-Charles Trudaine (1761)
par L. C. de Carmontelle
Né à Paris le 3 janvier 1703, Daniel-Charles Trudaine fut élevé au collège des Jésuites, fit son Droit et devint conseiller au Parlement de Paris en 1721. En 1727, il épousa, le 19 février, Marie-Marguerite Chauvin (1711-1734), née le 1er janvier 1711, fille de Michel Chauvin, conseiller au Parlement de Paris, et de Marie-Catherine de Bragelongne, puis acheta une charge de maître des requêtes. En 1729, il fut nommé intendant de la généralité d'Auvergne. En 1734, sa femme mourut à Clermont-Ferrand [Puy-de-Dôme] le 21 mars, âgée de 23 ans ; six mois plus tard, il fut fait intendant des Finances et administra ainsi les quatre départements importants des Fermes générales, du Commerce, des Manufactures et des Ponts-et-Chaussées. 


Cette même année 1734, il fit planter, dans le parc du château de Montigny, un cèdre que le botaniste Bernard de Jussieu (1699-1777) lui avait rapporté du Liban. Daniel-Charles Trudaine aimait les sciences et se plaisait dans la société des gens de lettres et des savants ; il fut admis à l'Académie des sciences en 1743. Il créa un bureau de dessinateurs pour dresser les plans des grands chemins de France [« Atlas de Trudaine », 1745-1780, 62 vol. grand in-fol. contenant plus de 3.000 planches manuscrites aquarellées], puis fonda l'École des Ponts-et-Chaussées en 1747. Il fit reconstruire, en 1749, le vieux manoir de Montigny. Il mourut à Paris le 19 janvier 1769. Il avait eu trois enfants.

Jean-Charles-Philibert Trudaine
gravé par Augustin de Saint-Aubin (1774)
d'après C. N. Cochin
Jean-Charles-Philibert Trudaine, né le 19 janvier 1733 à Clermont-Ferrand, fut adjoint à son père dès 1757, avec promesse de survivance ; il lui succéda dans tous ses emplois. En 1777, la charge d'intendant des Finances ayant été supprimée par Necker, il se retira dans la vie privée. Il aimait les lettres et recherchait ceux qui les cultivaient, et avait, dans son château de Montigny, un laboratoire où il s'occupait d'expériences de physique et de chimie. Le 5 août 1777, il succomba subitement dans sa voiture, alors qu'il visitait son domaine, sur le chemin conduisant du château de Montigny à la ferme de Grand-Champ [Villeneuve-les-Bordes, Seine-et-Marne]. 


Il fut inhumé le 7 août dans le chœur de l'église Sainte-Geneviève de Montigny.

La bibliothèque de Jean-Charles-Philibert Trudaine fut dispersée à partir du lundi 17 novembre suivant, en son hôtel parisien de la rue des Vieilles Audriettes [rue des Haudriettes, IIIe] : Notice des douze premières vacations des livres de la bibliothèque de feu M. Trudaine, conseiller d'Etat & conseiller aux Conseils royaux des Finances et du Commerce (Paris, Mérigot l'aîné, 1777, in-8, 234 p.) ; la deuxième partie du catalogue a une page de titre propre : Notice des quatorze premières vacations des livres de la bibliothèque de feu M. Trudaine. Veuf en premières noces de Françoise Gaigne de Périgny, fille de Jean-Antoine Gaigne de Périgny, maître des requêtes, qu'il avait épousée le 21 mars 1756, Trudaine était veuf en secondes noces d'Anne-Marie-Rosalie Bouvart de Fourqueux (1747-1776), fille de Michel Bouvart de Fourqueux [Yvelines], intendant des Finances, et de Marie-Louise Auget de Monthyon, qu'il avait épousée le 9 janvier 1762 et qui était décédée à Paris le 26 septembre 1776 ; il en avait eu deux fils.

Charles-Louis Trudaine (1794)
par Joseph-Benoît Suvée
Musée des Beaux-Arts, Tours
Marie-Joseph-Louise Micault de Courbeton
par J. L. David
Musée du Louvre
Charles-Louis Trudaine de Montigny, né à Paris le 18 septembre 1764, épousa, le 16 juin 1789, en l'église Saint-Sulpice, une de ses parentes, Marie-Joseph-Louise Micault de Courbeton (1769-1802), fille de Jean-Vivant Micault de Courbeton [Seine-et-Marne], conseiller général des Poudres et Salpêtres du royaume, et de Marie-Françoise Trudaine. Charles-Michel Trudaine de La Sablière, né à Paris le 2 mai 1766, resta célibataire.
Élevés au collège de Navarre, les deux frères furent les condisciples du poète André Chénier (1762-1794), avec lequel ils eurent toujours les rapports de la plus étroite amitié. D'abord avocats du Roi au Châtelet de Paris, ils furent ensuite conseillers au Parlement.
Charles-Louis Trudaine avait formé une riche bibliothèque. Ami des lettres et des arts, il était lié avec un grand nombre de savants et d'artistes, au nombre desquels se trouvaient plusieurs des anciens amis de son père. 

La Mort de Socrate
par J. L. David
Metropolitan Museum of Art, New York
En 1787, le peintre Jacques-Louis David fit le tableau « La Mort de Socrate » pour les frères Trudaine. En 1793, les deux frères quittèrent Paris et vinrent fixer leur résidence à Montigny, où ils s'occupèrent d'agriculture.
Le 27 germinal an II [16 avril 1794], Jean-Vivant Micault de Courbeton, devenu président au Parlement de Dijon, beau-père de Charles-Louis Trudaine, tombait sous la hache révolutionnaire, accusé de « tentative d'émigration ».
À son tour, Charles-Louis Trudaine fut arrêté à Montigny, avec son beau-frère Joseph-Vivant Micault de Courbeton : 

L'Appel des dernières victimes de la Terreur à la prison Saint-Lazare (7 thermidor an II)
par Charles-Louis Muller
Musée des Beaux-Arts, Carcassonne
ils arrivèrent à Paris le 13 prairial an II [1er juin 1794] et furent conduits à Saint-Lazare, où Charles-Michel Trudaine les rejoignit. Un ancien ami du père des deux frères sollicita en leur faveur le peintre David, membre du Comité de sûreté générale : protégé autrefois par les deux frères, David refusa de s'intéresser à ses anciens amis.
Le 8 thermidor an II [26 juillet 1794], au lendemain de l'exécution d'André Chénier et la veille de celle de Robespierre, les frères Trudaine et Micault de Courbeton furent condamnés comme « complices d'une conspiration dans les prisons de Saint-Lazare » 

La guillotine à la barrière du Trône-Renversé (8 thermidor an II)
et exécutés à la barrière d'octroi du Trône-Renversé [la guillotine avait été dressée à l'emplacement du 79 boulevard de Picpus, XIIe] ; ils furent enterrés dans les deux fosses du cimetière de Picpus [35 rue de Picpus, XIIe]. Charles-Louis Trudaine, 29 ans, n'avait pas d'enfant ; son frère, 28 ans, était célibataire : avec eux finit cette famille dont le nom respecté depuis plusieurs générations, rappelait constamment le souvenir de la probité et de la justice.

La veuve de Charles-Louis Trudaine habita encore quelques années le château de Montigny. Elle donna à l'abbé Sieyès la riche et remarquable collection d'histoire naturelle et d'instruments de physique formée par son mari à Montigny et mit en vente une première partie de sa bibliothèque, en sa maison parisienne du 31 rue Taitbout [IXe], du 14 au 29 nivôse an X [4 au 19 janvier 1802] : Catalogue des livres de la bibliothèque de feu Charles-Louis Trudaine l’aîné (Paris, Bleuet fils aîné, an X [1801], in-8, viij-194-[2] p., 1.424 lots).

La liquidation de la succession des frères Trudaine, compliquée par l'intervention de l'État représentant les héritiers émigrés, dura près de sept ans. Leurs biens [Montigny et La Sablière], estimés 2.888.700 livres, furent séquestrés et administrativement dévolus moitié aux descendants de la ligne paternelle, moitié aux descendants de la ligne maternelle des suppliciés. La moitié dévolue à la ligne maternelle fut attribuée à une unique héritière, Adélaïde-Agnès Bouvart de Fourqueux (1745-1813), tante maternelle des défunts, épouse d'Étienne Maynon d'Invault (1721-1801), contrôleur général des Finances : il lui fut attribué le château de Montigny et ses dépendances.

Malade, la veuve de Charles-Louis Trudaine alla mourir à Genève, le 11 brumaire an XI [2 novembre 1802], à l'âge de 33 ans : son corps fut ramené à Montigny et inhumé le 22 brumaire an XI [13 novembre 1802] dans le chœur de l'église, auprès de celui de son beau-père.


La bibliothèque de son mari fut dispersée du lundi 25 nivôse an XII [16 janvier 1804] au vendredi 11 ventôse an XII [2 mars 1804], en sa maison, rue Taitbout, au coin du boulevard des Italiens : Catalogue des livres et manuscrits précieux, provenant de la bibliothèque de Ch.-L. Trudaine, après le décès de Mme sa veuve (Paris, Bleuet, An XII-1803, in-8, [2]-x-467-[1 bl.] p., 3.066 + 2 bis = 3.068 lots). Théologie [260 lots = 8,47 %], jurisprudence [110 lots = 3,58 %], sciences et arts [963 lots = 31,38 %], belles-lettres [645 lots = 21,02 %], histoire [1.090 lots = 35,52 %].

« A la fin de cette [dernière] Vacation, on vendra deux Corps de Bibliothèque d'ébénisterie, en forme d'Armoires, faits par BOULE.
Chaque Corps, ouvrant à deux vanteaux, portes pleines par le bas, et grillagées par le haut, garnies d'excellentes serrures à bascules, a 8 pieds 6 pouces de hauteur, 5 pieds de largeur, et 18 pouces de profondeur.
Ces Bibliothèques, sont d'acajou, plaquées en ébéne, enrichies de grotesques en cuivre et écaille coloriée, formant partie et contre-partie : le tout parfaitement conservé. Le bon goût qui règne dans ces sortes de meubles, et le fini précieux que savoit y donner le célèbre ébéniste Boule, les font rechercher par les amateurs. » [sic] (p. 467)

31. Heures de la Vierge. In-8, m. r. d. s. tr. Manuscrit sur vélin, acheté à la vente du baron d'Heiss, le 7 août 1782, avec de jolies miniatures.
43. Heures à l'usaige de Rome. Paris, Gillet Hardouin, in-4, rel. ant. à compart. Impr. sur vélin, orn. de 18 grandes miniatures, de lettres capitales peintes en or et en couleur, et des fig. grav. en bois. Ces Heures ont appartenu à Dom Gousset, et auparavant à Catherine de Médicis.
193. Musladini Sadi Rosarium politicum. Amstelod. Blaew. 1651, in-fol., ch. m. couv. en vél. cis. verd. d. s. t. Acheté à la vente de Mirabeau l'aîné.
265. Hommes à célébrer, pour avoir, en ces derniers âges, mérité de leur siècle et de l'humanité, relativement à l'instruction politique et économique, par Mirabeau le père. Italie, 1789, 2 vol. gr. in-8, gr. pap., bas. m. Exemplaire de Mirabeau fils aîné.
513. Description des animaux rares, tant sur la terre que dans l'eau, en nature et en squelette, par J. D. Meyer. Nuremberg, 1748, in-fol. gr. pap. v. fau. roul. fig. color. Exemplaire de Buffon acheté à la vente de Mirabeau l'aîné [n° 1.225].
516. Ornithologie, par Brisson. Paris, Bauche, 1760, 6 vol. in-4, v. m. fig. Exemplaire ayant appartenu à Buffon, sur lequel il y a quelques notes de sa main.
517. Histoire naturelle des oiseaux, trad. de l'anglois. La Haye, De Hondt, 1750, 4 vol. gr. in-4, v. br. Ex. de Buffon signé de lui.
531. Histoire des insectes, par Aug.-Jean Roesel de Rosenhof et Klemann. Nuremberg, Fleischmann, 1746 et suiv., 5 vol. in-4, m. verd, d. s. t. fig. color. Ex. de Mirabeau l'aîné.
543. A voyage to the islands Madera, Barbados, Nieves, St. Christophers, and Jamaica, by Hans Sloane. London, 1707, 2 vol. in-fol., m. r. dent. à petit fer, d. s. t. fig. Ex. donné en présent à l'abbé Bignon.
689. Analyse des mesures, des rapports et des angles, par Walmesley. Paris, Quillau, 1749, in-4, v. fil. fig. Ex. signé de Buffon.
880. Hymne Mantchou, chanté à l'occasion de la conquête du King-Tchouen, en 1779. In-fol. v. m. fil. Manuscrit acheté à la vente de Mirabeau l'aîné.
894. L'Enéïde de Virgile en vers françois. In-fol. m. r. fil. d. s. t. Manuscrit sur vélin du XVIe sur 2 col., 24 places propres à recevoir des miniatures ont été conservées en blanc. Original de la traduction faite par Octavien de Saint-Gelais. Acheté en janvier 1792 à la vente Félix, de Marseille. Vient de la bibliothèque de La Vallière [n° 2.459].
1.224. Mémoires du comte de Grammont, par le comte Ant. Hamilton. Stawberry-Hill, 1772, in-4,
v. éc. fil. fig. Ex. d'Hangar [n° 1.573].


1.677. Recueil de pièces intéressantes pour servir à l'Histoire de France, sous Henri IV et Louis XIII. In-fol. vél. Manuscrit sur papier, contenant 798 pages. Recueil rempli de faits curieux et peu connus, et accompagné d'une table des matières.

Adjugé pour le modeste prix de 20 francs au marquis Hippolyte de Châteaugiron (1774-1848), qui avait reconnu le manuscrit original et autographe [conservé aujourd'hui à Chantilly] des Historiettes de Tallemant des Réaux, inédites : l'ouvrage fut publié, censuré, par Monmerqué, Châteaugiron et Taschereau 


chez Alphonse Levavasseur en 1834 et 1835, en 6 volumes in-8, la notice et la table des matières en 1836. À son mariage en 1701 avec Charles Trudaine (1659-1721), Renée-Madeleine de Rambouillet de La Sablière (1680-1746) fut assistée par Élisabeth de Rambouillet de La Sablière (° 1632), sa grande-tante, veuve de Gédéon Tallemant (1619-1692), sieur des Réaux, restée seule héritière de toute sa famille. Madame Trudaine apporta donc à son mari tous les manuscrits de Tallemant des Réaux, son grand-oncle ; ils ont été conservés dans la bibliothèque de Montigny et n'en sont sortis qu'après la mort du dernier des Trudaine.

1.942. Picturae Etruscorum in vasculis nunc primum in unum colectae. Romae, Zempel, 1767, 3 vol. in-fol., bas. éc. dent. d. s. t. fig. coloriées. Ex. de Loménie de Brienne.
1.944. Danicorum monumentorum Lib. VI. Hafniae, Moltkenius, 1643, in-fol. v. jas. fil. fig. Ex. aux armes de Huet, évêque d'Avranches.
2.400. Ph.-Jac. Sachs Gammatologia curiosa. Francof. Fellgibel, 1665, in-8, v. br. fig. Ex. de Colbert.
2.402. L'Histoire naturelle éclaircie dans une de ses parties principales, la Conchyliologie, par M*** [Dezalier-d'Argenville]. Paris, De Bure l'aîné, 1757, 2 part. en 1 vol. gr. in-4, mar. bl. lav. régl. Ex. de Le Camus de Limare [n° 710].
2.517. Divers projets d'une place publique pour ériger la statue équestre de Louis XV. 1753, in-fol. atl. mar. r. dent. d. s. t. doub. de tabis. Rel. de Padeloup aux armes de Madame de Pompadour. Recueil manuscrit par François Blondel.

En 1811, la fille adoptive d'Adélaïde-Agnès Bouvart de Fourqueux, Élisabeth-Françoise Bouvart de Fourqueux (1793-1867) [fille naturelle de Charles-Michel Trudaine et de Victoire-Marie-Françoise de Montmorin (1765-1794)], femme du comte Benjamin-Pierre-Aimé-Théodore Le Cornu de Balivière (1782-1821), hérita de Montigny, qu'elle vendit en 1822 au comte anglais Georges de Stacpoole, moyennant 1.566.000 francs. 


En 1823, le Conseil municipal décida de placer sur la fontaine de la place du Marché, don de Jean-Charles-Philibert Trudaine, une plaque de marbre noir portant « A LA FAMILLE TRUDAINE, LES HABITANTS DE MONTIGNY-LENCOUP RECONNAISSANTS. ». En partie brisé, le marbre fut remplacé en 1877 par une plaque de fonte reproduisant la même inscription en lettres d'or.

À la mort du comte de Stacpoole, en 1852, le château fut vendu à une société de spéculateurs qui le démolirent afin de tirer profit des matériaux. Le cèdre du parc faillit alors être livré aux bûcherons : grâce à une souscription départementale, il put être conservé par la commune. Endommagé par un ouragan en 1860, il eut une branche de 2,50 m. de circonférence cassée, qui fut envoyée à Melun et fournit le bois des meubles qui ornèrent la préfecture de Seine-et-Marne. Il a beaucoup souffert des rigueurs de l'hiver 1879. Cet arbre, dont le tronc avait 12,10 m. de circonférence, atteignait 38 m. de hauteur et couvrait une superficie de plus de 1.000 m2 : il fut brisé par une tornade le 1er décembre 1935, à 13 h. 15.

D'or, à trois daims passants de sable







jeudi 10 mars 2016

Emmanuel-Louis-Nicolas Viollet le Duc*, père du célèbre architecte

* C'est à son fils aîné, Eugène-Emmanuel Viollet le Duc (1814-1879), que le patronyme doit d'être orthographié avec des tirets, dans un souci de rationalité.




Descendant d'une famille de bourgeois de Paris portant « D'argent à un chevron d'or accompagné en chef de deux trèfles de sinople et en pointe d'un bouquet de violettes au naturel », Emmanuel-Louis-Nicolas Viollet le Duc est né à Paris, le 30 mai 1781, de Jean-Nicolas Viollet le Duc (1741-1816), huissier, commissaire-priseur au Châtelet, et de Adélaïde-Françoise Boyaval (1750-1799).

Il dut abandonner ses études, forcé par la fermeture des collèges en 1793 et traumatisé l'année suivante par l'arrestation de son père comme « suspect et aristocrate », qui fut enfermé à la prison des Carmes.
À vingt ans, il fut placé chez un notaire, où il expédiait des grosses de huit heures du matin à dix heures du soir, puis il fut pourvu d'un emploi de chef de bureau au ministère de la Guerre. En 1804, il occupa le poste de sous-contrôleur du service du Grand maréchal du palais, Michel Duroc (1772-1813).
Le 18 juillet 1810, il épousa Élisabeth-Eugénie Delécluze (1785-1832), fille de l'entrepreneur de bâtiments Jean-Baptiste Delécluze (1733-1806) et de Marie-Geneviève Mathieu. 

1 rue Chabanais, Paris IIe
Le couple habita au 2e étage de l'immeuble appartenant aux Delécluze, 1 rue Chabanais [IIe] : au 1er étage résidait la veuve Delécluze et son second mari, Louis Foin, chef de bureau au ministère des Finances ; au 3e étage résidait Sophie Delécluze (1783-1840) et son mari, Antoine Clérambourg (1776-1855), fonctionnaire au ministère des Finances ; Étienne Delécluze (1781-1863), artiste peintre, occupait les 4e et 5e étages. Les deux beaux-frères, Viollet le Duc et Étienne Delécluze partageaient une même habitude de réception dans les salons de l'immeuble de la rue Chabanais : le vendredi chez Viollet le Duc, le dimanche chez Delécluze.

« Tous les vendredis soir se réunissait chez lui un groupe de lettrés dont plusieurs passaient leurs soirées à se parfumer de vieilles poésies. Joseph-Victor Le Clerc, Casimir Delavigne et son frère Germain ; le vieux Briffault, pareil à l'ombre de Ninus ; Paul Avenel, l'auteur du livre étrange Le Guillotiné stupéfait ; M. Patin, homme de goût, saturé de Virgile et d'Horace ; Delécluze, devenu le beau-frère de Viollet le Duc ; Beyle, esprit de trempe vigoureuse, plein d'aperçus éclatants, qui entreprit tout, qui eût pu tout achever et n'acheva rien, météore étrange et original, plus célèbre sous le pseudonyme de Stendhal ; Ampère, “ changeant comme le mois d'avril (fickle as April, ” dit Shakespeare), fils infiniment spirituel d'un homme de génie ; Mignet, talent sévère, un modèle de droiture et de dignité ; Sautelet, pétillant de verve ; tels étaient les habitués de ce cercle, qui se tenait alternativement le vendredi chez le Duc, le dimanche chez Delécluze, rue Chabannais, au coin de la rue Neuve des Petits-Champs. Le romantisme naissant défrayait d'ordinaire la conversation, qui tournait en discussions animées où Beyle faisait avec une vivacité spirituelle, une bravoure sans égale, sa partie paradoxale. Du sein de ces discussions sortit, vers 1819, l'essai d'un recueil périodique, le Lycée français, feuille purement littéraire qui voulait être classique, tout en admettant des compositions du goût le plus divers, et qui promit plus qu'elle n'eut le temps d'accomplir. » [sic]
(F. Feuillet de Conches. Causeries d'un curieux. Paris, H. Plon, 1868, t. IV, p. 14)

Sous la Restauration, en 1814, il devint sous-contrôleur des services du palais des Tuileries ; en 1824, il fut nommé conservateur des résidences royales et vérificateur des dépenses de la Maison du Roi. 

Palais des Tuileries en 1857.
Après la révolution de 1830, il devint gouverneur des Tuileries, où il installa sa famille au cours de l'été 1831.

S'étant formé uniquement par la lecture des poètes, Emmanuel-Louis Viollet le Duc [dit « Viollet-Leduc »] débuta dans les lettres avec un Nouvel art poétique. Poëme en un chant (Paris, Martinet, 1809), qui fut son grand succès et qui eut trois éditions dans la même année. Suivirent Le Retour d'Apollon, poëme satirique (Paris, Janet et Cotelle, 1812), Philippiques à Napoléon (Paris, Marchands de nouveautés, 1815), L'Art de parvenir, poëme en un chant (Paris, Marchands de nouveautés, 1817), La Métroxylotechnie poëme en un chant (Paris, A. Bobée, 1820), Précis d'un traité de poétique et de versification (Paris, Bureau de l'Encyclopédie portative et Bachelier, 1829), Précis de dramatique ou De l'art de composer et exécuter les pièces de théâtre (Paris, Bureau de l'Encyclopédie portative et Bachelier, 1830).

Emmanuel-Louis-Nicolas Viollet le Duc, par G. Staal.
Le Bibliophile français. Gazette illustrée.
Paris, Bachelin-Deflorenne, n° 6, avril 1869, p. 333. 

Il a pris part à la rédaction du Lycée français, ou Mélanges de littérature et de critique (Paris, Bechet aîné, 1819-1820, 5 vol.), et a donné de nouvelles éditions des Œuvres de Jean Rotrou (Paris, Th. Desoer, 1820, 5 vol.), des Œuvres de Boileau Despréaux (Paris, Th. Desoer, 1821), des Œuvres de Mathurin Regnier (Paris, Th. Desoer, 1822).



Le plus important de ses ouvrages fut le Catalogue des livres composant la bibliothèque poétique de M. Viollet le Duc, […]. Pour servir à l'histoire de la poésie en France (Paris, L. Hachette, 1843, in-8, 11-[1 bl.]-624 p., articles non numérotés), avec une « Table alphabétique des poëtes français annotés dans ce volume ».

« La spoliation des grandes bibliothèques avait couvert les boulevarts et les quais de ces livres dont j'étais curieux, que mes occupations ne me permettaient pas de consulter dans les établissements publics, et qui depuis sont devenus introuvables. Je différais en cela du plus grand nombre de nos amateurs actuels, que je n'achetais ces livres que pour les lire, et non pour leur beauté ou leur rareté : car personne n'en voulait, et leur emplète m'attirait les reproches de ma famille et les sarcasmes de mes amis, tant était étrange, à cette époque, mon goût pour ces bouquins ! Les Anglais, accourus en 1814, enlevèrent les dernières richesses en ce genre que possédaient encore quelques vieux libraires, et nos bibliophiles ne pensèrent à les désirer que quand il ne s'en trouva plus ; au point que c'est en Angleterre qu'ils vont maintenant les racheter au poids de l'or, afin de se procurer la satisfaction d'enfouir sous l'acajou ou le palissandre ces livres, dès lors perdus pour l'étude et pour eux-mêmes, qui souvent les ont touchés une dernière fois en les mettant sous clef.
Pour n'être pas confondu avec cette espèce de bibliotaphes, j'ai voulu faire connaître ces livres inconnus. […]
Je n'ai pas la prétention d'avoir composé une histoire complète de la poésie française. Mon ouvrage, s'il mérite ce nom, n'est que le catalogue, la liste des poëtes que je possède, avec des notices bibliographiques sur leurs différentes éditions ; l'analyse consciencieuse, accompagnée d'extraits, de ce que leurs œuvres contiennent, et la biographie de ces auteurs. […] Ce sont de simples matériaux pour un travail plus important, et dont je laisse l'exécution à un écrivain plus jeune que moi, plus habile, ou plus hardi.
On n'a cessé de m'objecter que ce titre de CATALOGUE que je donne à mon livre éloignerait bien des lecteurs. Cette considération fort sérieuse, en m'empêchant de trouver un libraire, m'a mis dans l'obligation d'imprimer à mes frais ; mais elle n'a pas eu le pouvoir de m'arrêter. […] Je tenais à mon titre de Catalogue, par l'excellente raison que ce livre n'est réellement qu'un catalogue ; […] Et puis j'ai vu passer sous mes yeux tant de livres rares et ignorés, provenant de bibliothèques précieuses vendues et dispersées de mon temps, dont il ne nous reste rien que ces catalogues qui ne donnent que des titres, encore souvent inexacts ou mal classés, rédigés à la hâte par des libraires illettrés, que j'ai craint le même sort pour le peu de livres que je possède. » [sic] (« Avertissement », p. 6-9)

Le soin que Viollet le Duc prit dans son catalogue de souligner les conditions, d'indiquer la grandeur des marges, la bonne conservation des reliures ou la qualité des papiers, témoignent de son expérience et de son ardeur de bibliophile.



Ce catalogue fut complété par un second volume : Catalogue des livres composant la bibliothèque poétique de M. Viollet le Duc […]. Chansons, fabliaux, contes en vers et en prose […] (Paris, J. Flot, 1847, in-8, XII-31-[1 bl.]-252 p.), avec une « Table alphabétique des chansonniers et de leurs ouvrages » et une « Table alphabétique des conteurs et de leurs ouvrages ».

La révolution de février 1848 lui fit perdre son emploi, l'expulsa du local où il avait réuni ses livres et le jeta dans un profond découragement. Il se retira à la campagne et se renferma au milieu de sa chère bibliothèque. Pour se compléter une modeste aisance – un honnête homme ne s'enrichit point dans les administrations publiques -, il se décida à se défaire d'une partie de sa bibliothèque, fruit de cinquante années de recherches et de travaux, en la livrant aux enchères : 


Bibliothèque de M. Viollet le Duc. Première partie. Poésie, conteurs en prose, facéties, histoires satyriques, prodigieuses, etc., addition : Œuvres de Voltaire, exemplaire unique (Paris, P. Jannet et Regnault, 1849, in-8, xj-[1 bl.]-224 p., 1.623 + 11a ou bis + 1b = 1.635 lots). La vente se déroula à la Maison Silvestre, 28 rue des Bons-Enfants, du lundi 5 au mercredi 21 novembre 1849, en 15 vacations.

« Plus tard, sans doute, un autre catalogue annoncera-t-il encore la vente du reste de mes livres sur l'art dramatique, les pièces de l'ancien théâtre français ; puis une collection d'ouvrages sur la langue française, la philologie, les logomachies, les proverbes, etc., etc. ; puis une multitude de livres à emblèmes, à gravures anciennes ; puis les historiens, les mémoires particuliers, et ces petits bijoux, recueils historiques que j'ai vus si recherchés dans un autre temps, et que j'avais acquis, classés, soignés et habillés, comme de vieux amis de jeunesse qui ne devaient m'abandonner qu'au tombeau. Je ne crois pas que l'ingratitude soit de mon côté : j'avais foi aux enseignements de l'histoire ; l'étude de ces livres m'a entretenu dans une fatale sécurité. Je reconnais la vanité de leurs leçons : ils m'ont trompé. » (p. vj)



Il y eut effectivement une deuxième partie, dont la vente s'effectua à la Maison Silvestre, du jeudi 17 au samedi 19 février 1853, en 3 vacations : Bibliothèque de M. Viollet le Duc. Deuxième partie. Théologie, jurisprudence, beaux-arts, théâtre, histoire (Paris, J. Jannet, 1853, in-8, [2]-42 p., 479 + 1bis = 480 lots).

Lié avec Pierre Jannet (1820-1870), successeur de Silvestre, qui avait entrepris la publication d'une « Bibliothèque elzévirienne », Viollet le Duc fournit à cette collection un roman, Six mois de la vie d'un jeune homme (1797) (Paris, P. Jannet, 1853), qui a parfois une apparence d'autobiographie, et l'Ancien théâtre françois ou Collection des ouvrages dramatiques les plus remarquables depuis les mystères jusqu'à Corneille (Paris, P. Jannet, 1854-1857, 10 vol.).


Emmanuel-Louis-Nicolas Viollet le Duc est décédé à Fontainebleau [Seine-et-Marne], 17 rue Marrier, le dimanche 12 juillet 1857, à 4 heures du matin.